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Accès aux plages à Maurice : ce que dit la loi

plage a Maurice
dibrova / Envato Elements
Écrit parOummé Deedarun-Guérinle 21 Mai 2025

Début mai, la vidéo TikTok publiée par une créatrice de contenu française a enflammé les réseaux sociaux en affirmant que certaines plages mauriciennes seraient privées. Ce propos, largement relayé, a suscité une vague d'indignation parmi les Mauriciens, attachés à la protection de leur littoral et à l'accès public aux plages. Si la déclaration manquait de précision, elle a mis en lumière une question récurrente, souvent source de confusion pour les touristes, expatriés et parfois même les locaux : les plages mauriciennes sont-elles réellement accessibles à tous ? Ou existe-t-il des plages privées où l'accès serait restreint, voire interdit ?

Entre clôtures, portions réservées aux hôtels ou barrières informelles posées par des propriétaires privés, la réalité sur le terrain contraste parfois avec le cadre légal. Cet article fait le point sur la législation mauricienne, les usages, les tensions et les recours possibles.

La loi mauricienne sur les plages : un cadre clair et protecteur

La loi est formelle : aucune plage ne peut être privée à Maurice. La base juridique s'appuie sur le Pas Géométriques Act, héritage de la période coloniale française, toujours en vigueur. Ce texte stipule que la bande de sable située entre la ligne de marée haute (high water mark) et la mer (low water mark) appartient au domaine public de l'État et doit rester accessible à tous.

Cette disposition a été confirmée et renforcée par le Beach Authority Act de 2002, qui instaure la Beach Authority, chargée de veiller à la gestion et à la protection des plages. Cette autorité garantit que la plage reste ouverte à la baignade, aux loisirs et à la promenade pour le public. Aucune entité privée, hôtel, particulier, entreprise, ne peut revendiquer une propriété exclusive sur cette portion de plage.

Par ailleurs, l'article 538 du Code civil mauricien rappelle que les rivages et leurs dépendances sont inaliénables et font partie intégrante du domaine public maritime. Cette réglementation est claire : le littoral appartient à tous et aucun propriétaire privé ne peut revendiquer un droit de propriété sur la plage elle-même.

Les zones au-dessus de la ligne de marée haute : des baux sous conditions strictes

L'État peut cependant octroyer des baux d'occupation temporaire sur les terrains situés au-dessus de la ligne de marée haute, notamment à des hôtels ou à des propriétaires de campements. Ces espaces servent à installer paillotes, parasols, chaises longues ou bars de plage.

Ces baux ne doivent pas être confondus avec une privatisation de la plage. Ils ne permettent pas de restreindre l'accès à la bande de sable située entre la mer et la ligne de marée haute, qui reste une zone publique et libre d'accès.

Cette distinction a été explicitement réaffirmée par la justice, comme dans l'affaire opposant l'État à Ocean Blue Company Ltd à propos de l'îlot Gabriel. Le juge a précisé que la portion de plage comprise entre la marée haute et la basse ne fait pas partie du bail et doit être accessible au public.

La réalité sur le terrain : accès parfois restreint, tensions fréquentes

Malgré ce cadre légal solide, l'accès aux plages reste parfois entravé. Des clôtures, barrières ou panneaux interdisant l'accès aux plages font souvent leur apparition en bordure de propriété privée ou de campements.

Plusieurs incidents témoignent d'une appropriation progressive du littoral par certains propriétaires. Il y a quelques années, une promeneuse s'est vu refuser l'accès à la plage de Pointe-aux-Canonniers, au motif que la bande de sable située devant une maison appartenait au propriétaire. Aucun document officiel ne justifiait cette prétention, mais l'incident a été largement partagé sur les réseaux sociaux, suscitant une vague d'indignation.

D'autres usagers dénoncent des comportements intimidants : chiens lâchés sur des promeneurs, jets de sable ou encore des interventions musclées pour empêcher la pêche ou la présence de familles. Ces conflits se multiplient surtout dans le nord de l'île, région très touristique et densément urbanisée.

La vigilance citoyenne amplifiée par les réseaux sociaux

Les réseaux sociaux jouent désormais un rôle central dans la dénonciation des entraves à l'accès aux plages. L'affaire de l'influenceuse française, qui a relancé le débat, en est une illustration récente. Si ses propos ne mentionnaient aucun texte de loi, ils ont soulevé le délicat sujet de l'appropriation progressive de certains rivages.  

Ces plateformes deviennent des caisses de résonance puissantes pour signaler des abus. Des cas concrets, comme celui de la plage de Pomponette, où un projet hôtelier en 2016 avait suscité une forte mobilisation citoyenne, rappellent l'importance de cette vigilance collective. Grâce à la pression publique relayée en ligne, ce site est resté accessible, soulignant le rôle décisif de la société civile dans la défense du domaine public.

L'enjeu social et identitaire des plages à Maurice

Pour les Mauriciens, les plages ne sont pas de simples espaces récréatifs, mais des lieux sociaux, familiaux, parfois même culturels. Elles jouent un rôle fondamental dans la vie communautaire et dans le lien identitaire au territoire. 

Cette importance explique la mobilisation de collectifs comme Aret Kokin Nu Laplaz (AKNL), aujourd'hui représenté par l'organisation Mru2025, qui surveille attentivement toute tentative de privatisation illégale et veille à ce que les plages restent accessibles à tous. 

Le combat mené depuis 2016 autour de la plage de Pomponette, suite à un projet hôtelier controversé, reste emblématique : malgré les obstacles judiciaires, AKNL continue de contester en Cour suprême la déproclamation de cette plage publique, dénonçant une logique de privatisation au détriment de l'intérêt collectif.

L'importance de la vigilance et des recours en cas d'abus

La Tourism Authority rappelle que les propriétaires de campements ou d'hôtels ne disposent d'aucun droit d'empêcher la circulation sur la plage publique. En cas d'entrave, les usagers doivent signaler ces abus à la police ainsi qu'au ministère des Terres et du Logement, qui possède les dossiers des baux et peut intervenir.

Cette vigilance citoyenne est indispensable pour faire respecter la loi. Le respect de l'accès public est une responsabilité collective, notamment dans un contexte où la pression foncière et touristique s'intensifie.

Les chiffres officiels : 126 plages publiques sur tout le littoral

La Beach Authority recense 126 plages publiques à Maurice, réparties géographiquement comme suit : 36 dans le nord, 42 dans le sud, 28 à l'ouest et 20 à l'est. Rodrigues compte une douzaine de plages publiques reconnues.

Cette carte officielle permet à toute personne, résident, expatrié ou touriste, de connaître précisément les zones accessibles, sans ambiguïté.

Un droit clair à connaître et à défendre !

Non, il n'existe pas de plages privées à Maurice. Le cadre légal interdit toute privatisation du littoral situé entre la mer et la marée haute. Ce qui n'empêche pas, néanmoins, des propriétaires ou exploitants privés d'entraver certains accès de façon abusive.

Les résidents, expatriés et visiteurs doivent connaître leurs droits, consulter les ressources officielles comme la carte des plages publiques de la Beach Authority et dénoncer toute entrave injustifiée.

La défense de ce patrimoine naturel et social repose sur la connaissance du droit et une vigilance collective constante. La préservation de l'accès libre aux plages représente un enjeu majeur pour Maurice, tant sur le plan juridique que culturel et environnemental.

Sources :

Vie quotidienne
Ile Maurice
A propos de

Après une carrière en informatique en France, j’ai choisi de revenir à l’île Maurice, où je suis née, avec mon mari et mes deux enfants en 2011. Depuis près de 10 ans, je travaille comme rédactrice de contenu web et traductrice indépendante.

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