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Travailler à l'étranger sans CV : mission possible ?

entretien d'embauche
BGStock72 / Envato Elements
Écrit parAsaël Häzaqle 02 Juin 2025

C'est l'une des questions que se posent les travailleurs expatriés : comment bien se vendre auprès d'un employeur étranger ? Difficile de toujours bien se mettre en valeur tout en s'adaptant au modèle de CV du pays d'accueil, surtout lorsque son profil est atypique. Et si le problème était justement le CV ? Certaines entreprises misent de plus en plus sur le recrutement sans CV pour mettre tout le monde à égalité (ou du moins, essayer…). Décryptage.

Recrutement sans CV : faut-il parler d'une tendance mondiale ?

De la Suisse à la Belgique, en passant par les ɳٲ¹³Ù²õ-±«²Ô¾±²õ ou la France, le recrutement sans CV gagne du terrain. Ses partisans n'y voient que des avantages. Car le recrutement sans CV court-circuite le parcours habituel du chercheur d'emploi. D'ordinaire, on envoie un CV à une entreprise locale ou étrangère. Le CV résume le parcours académique et professionnel d'un candidat. Ce n'est qu'après l'envoi du CV qu'il y aura un éventuel entretien.

Avec le recrutement sans CV, la sélection s'effectue différemment. Ce modèle se base davantage sur les compétences réelles et les compétences sociales/humaines (softs skills) du candidat. La première évaluation ne se fait plus à distance (un recruteur étudie le CV), mais « dans l'action ». Il existe en effet plusieurs manières d'évaluer un candidat sans faire appel au CV : questionnaire, mise en situation réelle, jeu de rôle, jeux vidéo, résolution d'énigmes en groupe, exercices ludiques, etc. Ces sessions de recrutement atypiques peuvent dérouter les candidats. Car il leur faut gérer les éléments contextuels (ils sont dans un pays étranger) et les éléments pratiques (il ne s'agit pas d'un entretien d'embauche classique).

Intérêt du recrutement sans CV pour les expatriés au parcours atypique

Tout d'abord, la grande majorité des recruteurs continue de compter sur le CV. Certaines embauches doivent nécessairement passer par le filtre « CV ». Difficile de recruter un médecin, un architecte ou un ingénieur sans examiner ses qualifications. Il faut également ajouter la présence de plus en plus prégnante de l'intelligence artificielle (IA) qui filtre les CV. Problème : les IAs n'étudient pas un CV comme le ferait un recruteur. Leur calcul, purement algorithmique, peut présenter des biais qui impactent notamment les expatriés au profil atypique. Car l'IA scanne le CV. Elle y cherche des mots-clés et des formules correspondant précisément au poste visé. Si le parcours de l'expatrié ne correspond pas au parcours type attendu pour le poste, sa candidature sera écartée avant même qu'il ait pu se défendre lors d'un entretien.

Si des entreprises (parmi lesquelles de grands groupes comme Google, IKEA, McDonald's, IBM ou The Body Shop) intègrent de plus en plus le recrutement sans CV, c'est justement pour pallier les inconvénients de la sélection classique. Embaucher sans CV permet de lutter contre les discriminations à l'embauche. Les profils atypiques ont plus de chances de décrocher un poste a priori loin de compétences techniques.

Certaines entreprises soulignent néanmoins qu'il faut plus de rigueur, de personnel mobilisé et de moyens pour mettre en place ces recrutements atypiques. Les exercices ne sont pas toujours réalisables à distance (un mauvais point pour ceux qui postulent depuis l'étranger). De plus, les entreprises craignent de faire plus d'erreurs de recrutement. Ces points négatifs ne semblent cependant pas décourager les partisans du recrutement sans CV. Des entreprises et institutions publiques ont senti la tendance, et proposent d'accompagner les entreprises : elles organisent les activités ludiques, louent des locaux pour mettre en place des exercices, préparent des tests de personnalité, etc.

Recrutement sans CV : un atout pour les expats au parcours atypique

Les expatriés au parcours atypique sont confrontés à un double problème. Non seulement ils doivent composer avec un marché international du travail toujours plus concurrentiel, mais en plus, ils doivent défendre un CV atypique : CV à trous, longue période sans travail, expériences professionnelles diverses, qualifications manquantes, etc. Postuler sans CV leur permet donc de mieux présenter leur parcours, et de faire valoir leurs compétences réelles. Exemple avec quelques États où le recrutement sans CV gagne du terrain.

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Depuis quelques années, plusieurs entreprises américaines testent ou ont testé le recrutement sans CV. Avantage : repérer plus facilement les talents étrangers atypiques, à l'heure où les États rivalisent pour attirer les travailleurs internationaux. Conscientes que les méthodes traditionnelles de recrutement peuvent freiner les candidats expatriés, Google, Tesla, ou encore IBM se tournent vers le recrutement sans CV. Elles y voient un autre avantage : débusquer plus facilement les CV enjolivés. De nombreuses études révèlent que l'embellissement du CV n'est pas une pratique isolée. Dans tous les pays, les employeurs disent recevoir des CV qui ne reflètent pas les compétences réelles des candidats (mensonges sur le diplôme, l'expérience professionnelle…). Parce qu'il teste les candidats en direct, le recrutement sans CV permet d'apprécier leurs véritables compétences.

France

En France, on expérimente le recrutement sans CV pour pallier les pénuries de main-d'oeuvre. Elles demeurent effectivement importantes dans plusieurs grands secteurs (industrie, santé, hôtellerie-restauration), alors que le taux de chômage reste élevé (7,4 % au premier trimestre 2025). En cause : des méthodes de recrutement jugées inadéquates, qui laissent passer des profils qui pourraient convenir aux postes (les fameux profils atypiques). L'organisme public incite les entreprises à opter pour la MRS (). La MRS est une forme de recrutement sans CV (ici, encadrée par France Travail). Au programme, 3 grandes étapes : une réunion d'information, des exercices pratiques et, s'ils sont validés, un entretien avec le recruteur. En cas de réussite, une formation sera dispensée. Groupama (assurances), Caisse d'Épargne (banque), Thalès (industrie), et Accor (hôtellerie) font partie des entreprises ayant opté pour le recrutement sans CV.

Suisse

¶Ù'²¹±è°ùè²õ , site d'information sur l'emploi et l'expatriation, « la moitié des recruteurs ne tiennent pas compte des candidatures spontanées. » Comment les expats peuvent-ils faire valoir leur parcours atypique ? Depuis quelques années, le recrutement sans CV gagne progressivement du terrain. Exemple avec les cofondatrices de Work@firstsight (WFS), cabinet de recrutement promouvant le recrutement sans CV. Selon les entreprises accompagnées par WFS, le concept permet de gagner du temps tout en présentant des profils plus divers. En pratique, l'entreprise fournit à WFS deux critères indispensables pour le poste. Le candidat contacte WFS par mail, puis par téléphone. Si l'échange téléphonique est concluant, il rencontre l'entreprise.

Belgique

Après avoir testé le CV anonyme, la Belgique s'est tournée vers le recrutement sans CV. ¶Ù'²¹±è°ùè²õ les défenseurs de la seconde méthode, le CV anonyme ne s'attaque qu'à la partie « renseignements personnels » du CV (nom, prénom, adresse…). Le recrutement sans CV cible les biais induits par le CV classique (exclusion des profils atypiques, discriminations, priorisation du parcours académique…). Pour Belgique Greenpeace, qui a adopté le recrutement sans CV, la méthode est plus inclusive que le processus classique. Les questionnaires et mises en situation révèlent davantage de profils que les CV ordinaires.

Recrutement sans CV : le recrutement de demain ?

Attention : si le recrutement sans CV gagne du terrain, il ne représente encore qu'une infime partie des méthodes de recrutement. Le langage « CV » reste majoritaire dans le monde. Les expatriés ont tout intérêt à comprendre la culture d'entreprise de leur pays d'accueil pour mieux intégrer les méthodes d'embauche. Par exemple, le recrutement sans CV ne signifie pas qu'il n'y aura aucun entretien d'embauche. L'employeur reste libre de rencontrer le candidat pour vérifier sa motivation. De plus, le recrutement sans CV peut aussi induire des biais (par exemple, une trop grande subjectivité du recruteur).

L'open hiring, l'autre recrutement sans CV

Il existe une méthode qui supprime, et le CV, et l'entretien classique : « l'open hiring ». Ce processus de « recrutement ouvert » écarte toutes les sources d'inégalité entre les candidats (âge, genre, expérience professionnelle, diplômes…). L'absence de recrutement élimine les autres biais (par exemple, un candidat particulièrement à l'aise à l'oral sera avantagé). L'open hiring se focalise uniquement sur les éléments factuels : le candidat est-il opérationnel pour le poste ?

Si l'open hiring se veut l'exact opposé du recrutement 100 % personnalisé (où l'on va chercher à connaître la personne, à valoriser les soft skills), il n'est pas pour autant déshumanisé. Il se présente au contraire comme une solution pour les expatriés au parcours atypique. Car tous les profils sont les bienvenus : personne en situation de handicap, parcours de vie difficile, reprise du travail après une longue pause, retour à l'emploi après une incarcération… Exemple réussi avec l'anglais The Body Shop, qui a misé depuis plusieurs années sur l'open hiring. Concrètement, la méthode simplifie le processus de recrutement en le rationalisant. Les candidats correspondant à la demande sont assurés d'obtenir le poste. Le succès de l'open hiring repose sur la formation proposée après le recrutement. Celle-ci doit être rigoureuse pour faciliter l'intégration des différents profils et limiter le turn-over.

Recrutement sans CV, open hiring… ces méthodes ne prétendent pas être des solutions miracles (elles ne sont pas ²¹»å²¹±è³Ùées à tous les métiers), mais entendent dépasser les biais des processus d'embauche classique pour favoriser la diversité. Reste à voir si la tendance s'inscrira durablement dans les pratiques des entreprises.

Sources :

Travailler
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A propos de

Rédactrice web spécialisée en actualité politique et socio-économique, Asaël Häzaq observe et décrypte les tendances de la conjoncture internationale. Forte de son expérience d’expatriée au Japon, elle propose conseils et analyses sur la vie d’expatrié : choix du visa, études, recherche d’emploi, vie de travail, apprentissage de la langue, découverte du pays. Titulaire d’un Master II en Droit - Sciences politiques, elle a également expérimenté la vie de nomade numérique.

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